La Maison « MANDRIN »

Outre les aventures du  célèbre contrebandier, Louis Mandrin, la maison familiale de notre concitoyen rassemble, à elle seule, tout notre passé.

Elle est le symbole de l’histoire du Dauphiné, des batailles contre le comte de Savoie, de notre village et aussi, l’histoire des Dauphins, des princesses, des ordres religieux, du château delphinal, de sa construction, de son achat, des propriétaires successifs, des familles, des adjonctions, du procès dit des ‘’Poëlles’’ et des commerces.

Amis, passionnés de patrimoine ou simplement curieux de ce passé, passant devant la bâtisse, il suffira juste de libérer votre imagination pour entendre le tumulte de ce temps jadis nous expliquer cette histoire singulière.

Devant La Maison, peut-être les 11 étapes précédentes n’ont pas été vues, un rappel succinct s’impose.


Pour les plus curieux, suivront moult détails chronologiques ou, pour un aperçu plus rapide, les gravures expliqueront  les modifications au cours de son histoire.

I – PRÉAMBULE :

– 218 av JC à l’an 1032 : les allobroges, tribu gauloise, notre province passe, successivement, sous domination de différents gouverneurs ou seigneurs : romains, burgonde, Francs, et une seconde fois, par le comte Boson, au royaume de bourgogne, vassal du Saint-Empire romain germanique.

Le suzerain est éloigné de ses provinces. Des familles vont prendre l’ascendance. Ce sont les comtes d’Albon.

* premier, avec Guigues 1er vers l’an mil.

* dernier, avec Humbert II, il vendra le Dauphiné au royaume de France le 30 mars 1349.

II – LA GUERRE DELPHINO-SAVOYARDE 1282 – 1355

Du ciel, Les traces de deux tours ajoutées au ‘’colombier’’ sont visibles. Les mesures donnent 40mX30m.

LE  CHÂTEAU  DELPHINAL DE  SAINT-ÉTIENNE-DE-SAINT-GEOIRS  (parcours – étape 4)

1314-1315 à 1326 le Dauphin Jean II (1280-1319) transfère le siège de son mandement de Saint-Geoirs  à notre village, Saint-Etienne de….Saint-Geoirs.

Il fait construire un château-fort sur la hauteur dominante et sur l’emplacement d’un ancien fortin ou camp retranché du XIII°s.

Vers le milieu du Xème  ou au début du XIème siècle, vers le quartier du Pailler, sur le chemin qui conduit à Sillans, un prieuré avait été établi avec l’appellation ‘’Sanctus Stephanus’’ composé d’un ‘’quatuor monachi’’  (quatre religieux).

Puis, au pied du château comme un point avancé au château, se construisit notre village.

1314 : La Charte des Libertés, immunités et franchises accordées par le Dauphin Jean II autorise les sujets du mandement  à se réunir en assemblée sous la présidence du châtelain, pour s’occuper des affaires de la communauté et du mandement. Ces réunions se tiennent au château.

1534 : Le bâtiment s’est dégradé. Le château ne peut plus être utilisé, les réunions ne peuvent plus s’y tenir !

Il faut trouver un emplacement. Ce sera celui appartenant à l’abbaye de Saint-Just-de-Claix.

Un pavillon, moyennant une rente va y être construit.

Avant 1548, la maison est construite en cailloux roulés.

Les étages supérieurs furent occupés pendant quelques temps par l’auditoire des châtelains.

Le rez-de-chaussée,  est une halle voutée, soutenue par des arceaux, ouverte sur les quatre faces et réservée au public.

Jusqu’à la fin du XVIII°,  cet espace est appelé les ‘’poëlles’’ ou le ‘’poylle’’ ou ‘’lo Peylo’’(du latin pallium, le voile ou le dais que l’on portail au-dessus du Saint-Sacrement).

Cet espace sert à la fois de :

Lieu de stockage de denrées des marchands venus au marché.

Lieu de rassemblement des hommes du peuple.

Lieu où se traitent et sont signés les actes  notariés (Mention : ‘signé sous les poëlles’’ trouvés sur les documents)

Là aussi, se trouvait une fontaine dite fontaine de la ville qui va être à l’origine de conflits.

Avril 1596 : Henri IV  inféode la châtellenie de Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs et d’Izeaux à Étienne Gautheron sieur d’Hurtières près de Tullins à charge :

‘’ de faire bâtir un auditoire de justice, prison et grenier audit lieu pour conserver les droits du Roy’’.


LA MAISON DITE ‘’MANDRIN’’ DEVIENT DONC LIBRE DE SA PREMIÈRE FONCTION

– Vers 1580, Pierre Asport, châtelain, marié à Antoinette Du Deveys, fille de Claude, ancien châtelain l’achète avec les tènements qui l’entouraient.

– Vers 1590, Louise Asport, une des quatre filles, hérite de la maison au décès de Pierre Asport. En 1592, Louise épouse Pierre de Revel de la branche des mandements de Roybon, Chasselay,  Serre-Nerpol  et Brion. Le couple a eu 7 enfants  dont  Benoit de Revel sieur de la Flammanchère.

– Benoit de Revel,  ( ?1610 – 25 février 1658) héritier, habita sans doute la maison avec son épouse Nicole de Villeneuve dont le père, Jean, était avocat au Parlement de Bourgogne. En 1644, ils se seraient installés dans une maison, au mas de la Flammanchère, hameau de Cours.

– 1644 : vente à Maurice mandrin. La famille semble avoir de bonnes relations avec la famille Revel…

Les mandrins sont originaires de la Drôme, paroisse de Mours près de Valence.


PREMIÈRE  MODIFICATION  DE  LA  MAISON :

– Vers 1698, la fontaine publique sous les ‘’poëlles’’ sous l’arceau à l’ouest, finit par se tarir.

Les Mandrins ayant acheté dans leur basse-cour, un puits, il fut établi qu’ils le mettaient à disposition du public en échange d’une portion des ‘’poëlles’’.


 

(Gravure originale modifiée par Michel Demange selon les descriptions  historiques et sous toutes réserves)

C’est ainsi que l’arceau de la façade au nord fut bouché en partie et une petite pièce fut aménagée sous la voute à l’usage des Mandrin  mais à condition que le mur ne soit qu’un simple galandage et non un gros mur.

Mais le provisoire perdura plus d’un siècle -Maurice Mandrin l’habita de 1644 à sa mort en 1666.

– 1666 : Pierre Mandrin hérite

– 1727 : les 3 fils de Pierre héritent –  Louis, Joseph et François se partagent la maison

– 1728 : François garde, seul, la maison paternelle. Il épouse Marguerite Veyron-Churlet, parents du contrebandier.

– 1742 : Louis, le contrebandier, à la mort de son père, a 17 ans.  Louis et sa mère héritent de la maison.

– 1765 : après la mort de louis en 1755, sa mère, Marguerite gagne le procès contre le fisc qui voulait s’en saisir. Elle laisse sa maison à Jean, frère de Louis, son héritier universel. Jean se retire à La Frette.

– 1767 : location à Claude Guillaud boulanger de Biol qui y établit un four dans la cuisine ou la basse-cour.

– 9 mai 1768 : Jean vend la maison au docteur Étienne Emery  qui fût le père d’Apollinaire Emery chirurgien de la garde de l’empereur Napoléon et qui l’aida dans son passage par les Alpes et l’accompagna à Sainte Hélène.

– 1771 : M Emery vend la maison à Joseph Jacquemet, bourgeois du village originaire de Saint-Michel de Saint-Geoirs.

AVEC JOSEPH  JACQUEMET SOUTENU PAR ANTOINE SCIPION COCHET, TOUR À TOUR, NOTAIRE, CONSUL, LIEUTENANT DE CHÂTELLENIE, DÉBUTE UNE AUTRE HISTOIRE SINGULIÈRE DE LA MAISON ‘’MANDRIN’’.

– Avant 1772 : Le couple Mathieu Mollière et son épouse Marianne Mandrin (sœur du contrebandier) influencé, d’après O Chenavaz, par Antoine Cochet, n’accepte plus que les habitants se rendent au puits situé sur leur terrain.

La population est consternée. Sieur Cochet étudie donc, l’historique de la fontaine qui était sous les arceaux et qui a tari. Les eaux de la fontaine prenaient leur source dans un vallon appelé La Combe du Rivail (Aymar du), au dessus d’une autre fontaine des Ayes et encore au-dessus, une troisième appelée fontaine Médecin et plus anciennement Rivolery.

Rivalité familiale : En 1772, le propriétaire de cette Combe et de cette fontaine était M. Joseph Veyron La Croix, oncle du sieur Cochet. Il venait de céder une grande partie de cette double propriété à M. Pierre Biessy, curé du village.

1er PROCÈS :

Sieur Cochet persuada la population à intenter un procès contre MM Veyron La Croix et Biessy au motif que la fontaine Médecin était une dépendance de la fontaine de ville et que les accusés profitaient de cette eau pour arroser leurs prairies.

Le procès dit ‘’de la fontaine Médecin’’ engagé devant le Parlement de Grenoble en 1772 perdura jusqu’au 21 juin 1777 où il fut définitivement jugé et la communauté déboutée et condamnée à tous les frais qui s’étaient élevés à une somme importante.


SECONDE  MODIFICATION  DE  LA  MAISON :

 

Entre temps, au mois de juin 1775, l’épouse de Jacquemet dénommée ‘’la belle Fançon’’ par le curé Biessy ne supportait plus de voir une partie de sa maison livrée au public alors qu’elle souhaitait installer à la place des ‘’poëlles’’un salon pour traiter d’égal à égal avec les bourgeoises du village.

Le couple le fait savoir et le construit. Les derniers  arceaux sont obstrués – Note : l’adjonction à la maison existait peut-être depuis 1728.

20 juin 1784 dans la matinée : une assemblée est convoquée.

Sieur Jacquemet met en avant les risques d’éboulement qui seraient de la responsabilité de la commune.

Le consul Simian, constatant qu’il n’y avait pas assez de monde pour voter, renvoie la délibération.

20 juin 1784 dans l’après-midi : les alliés à Sieur Jacquemet se réunissent l’après-midi même : 62 personnes contre 32 le matin.

Joseph Jacquemet fait l’offre de terminer le procès et de compenser les dépens, si la communauté consent à donner la jouissance à perpétuité de la voute pouvoir faire clore cette situation.

Signent contre : Jean Vinoy  (grand-père du général) Claude-Joseph Veyron La Croix, Pierre Bottu, Jean Gonon, Jean Reboud, Pierre Mathais, consul, Cochet, capitaine châtelain et Veyron Duplan, Greffier. La proposition est adoptée.


Gain de cause est donc donné à sieur Jacquemet.

1789 – Révolution : emportés dans la tourmente révolutionnaire, les stéphanois écrivent leur propre histoire loin du tumulte des grandes villes. Il débaptise entre autres, le nom du village en ‘’Marathon’’

Dimanche 3 juillet 1791 : des habitants se réunissent devant la maison (place du Canal) commencent à démolir le mur qui obstruait les arceaux des ‘’poëlles’’.

Dimanche 10 juillet 1791 :   l’assemblée réunie, relance la procédure dite des ‘’poëlles’’, en transmettant tous les documents à deux avocats pour conseils.

Dimanche 29 octobre 1791 : Le conseil de la commune se réunit pour prendre connaissance des conclusions des deux avocats saisis :

* Les faits sont favorables à la commune mais il est demandé de tenter une conciliation avec sieur Jacquemet.

* Celui refuse, souhaite un jugement et ne veut point d’autres médiateurs.

29 juillet 1792, l’an 4 de la Liberté – décision du Directoire du département mettant un terme définitif  au procès.

‘’Que la reprise du procès ne parait point avoir un objet d’utilité réelle pour toute la commune ; que néanmoins elle se trouverait  engagée dans une poursuite très dispendieuse.

‘’Arrête :

Qu’il n’y a pas lieu de délibérer sur la demande des exposants.
Fait en Directoire du département de l’Isère, le 29 juillet 1792, l’an 4 de la liberté.
Signé : Puis, vice-président ; Dumolard, Tourte, secrétaire’’.

 

Après cet arrêté :

La maison est réparée et les ‘’poëlles’’ sont désormais fermées. M et Mme Jacquemet établissent un salon ou une salle à manger.

1800 : donation de sieur Jacquemet à sa nièce Angélique Poncet – Angélique se marie le 27 juin 1800 à Étienne Joseph Veyron La Croix, dit Ducharrel, notaire et nommé maire de la commune par arrêté préfectoral du 11 octobre 1815. Il s’installe dans la maison jusqu’à sa mort en 1824.

1824 : héritier : Claude Joseph Veyron La Croix, fils d’Etienne, nait dans la maison le 6 juillet 1805. Mais ne l’habite que très rarement. Conservateur des hypothèques à Tournon (Ardèche), marié le 7 juillet 1805 à Jeanne-Marie Monnavon, parents  de Marie Léontine  et de Marie-Amélie décédée en bas âge.

1873 : héritière : Marie Léontine, (1838 – 1911) mariée en 1865 à Françoise-André Francisque Michoud (1828 – 1900) ne viennent à la maison que pour les vacances. Mlle Désirée Veyron La Croix (1809 – 1890), sœur de Claude Joseph, demeura dans la maison avec des domestiques jusqu’en 1890.

Ce cliché pris 1890 permet de visualiser l’arche côté Est ainsi que la fontaine qui a été déplacée et toujours en service vers les halles.

1890 : vente :    Marie Léontine vend la maison à M Romain Marron (1874 – 1961) marié à Zoé Mélanie Michallet (1874 – 1948), parents de :

* Marcia Marron (1901 – 1943) mariée le 23 avril 1930 à Gabriel Marius Clément Savoie parents de Madeleine

* Gislain Marron (1917 – 1952) marié le ??  à Paulette née Micoud de Brézins – veuve, elle se remarie avec  Marius Joubert

Mentionnons que Romain avait une sœur  Clémentine Honorine Berthes mariée le 9 août 1899 à Florimond Badin (1873 – 1934). Ils demeuraient  juste derrière la maison ‘’Mandrin’’.


DERNIÈRES  MODIFICATIONS  DE  LA MAISON

Septembre 1891 : L’arceau, à l’est, est fermé par une grande porte vitrée mais qui laisse encore deviner sa forme un peu ogivale.

1910 – Alignement et modifications au nord, une grande porte vitrée a été percée (une décision du conseil municipal du 24 novembre 1910 évoque la disparition de la maison en accord avec le département).

Quel voyage dans l’histoire du patrimoine de notre village !

Comme à chaque étape, nous saisissons combien, chaque pierre est le témoin de ce temps jadis et juste avec un peu de curiosité, c’est se souvenir de toutes celles et ceux qui en ont construit notre histoire.