

Songez par exemple à Madame de Pompadour, favorite de Sa Majesté, mais bien plus que cela. N’est-elle point une mécène inégalée, une protectrice des arts et des sciences, une conseillère politique d’une habileté sans pareille ? C’est elle qui fit récemment venir Voltaire à la Cour, elle qui finance les Manufactures de Sèvres, elle encore qui, par sa diplomatie, œuvre à l’Alliance entre la France et l’Autriche, modifiant à jamais l’équilibre des puissances européennes. Mais il ne faut toutefois point croire que seules les favorites exercent un pouvoir dans l’ombre des ors de Versailles.
Voyez Madame du Coudray, sage-femme hors pair, qui, lasse des méthodes archaïques de ses contemporains, a obtenu un privilège royal pour enseigner l’art de l’accouchement à travers le royaume. Grâce à elle, tant de vies sont sauvées chaque jour qu’elle est devenue une véritable institution à elle seule, armée de son mannequin articulé qu’elle utilise pour former ses apprenties.
Et que dire de Madame Doublet, qui tient dans son salon le premier journal clandestin de Paris ?
Son « Correspondance secrète » recueille, jour après jour, toutes les rumeurs, anecdotes et nouvelles de la cour et de la ville, avant d’être envoyée aux grandes familles de France. Il se murmure que nombre de ministres lisent ses feuillets avec plus d’assiduité que les rapports officiels ! Autant vous dire que cette consoeur et amie fait vibrer à bien des égards la bonne société Parisienne… N’oublions pas non plus Mademoiselle Clairon, tragédienne illustre de la Comédie-Française, qui ose braver les conventions en refusant les lourdes robes empesées pour jouer Phèdre en une simple tunique inspirée de l’Antiquité. À chaque représentation, le scandale est immense, mais son audace redéfinit à jamais le théâtre français.
Et puis, il y a ces femmes qui, dans le secret des laboratoires, dans la confidentialité des cabinets ou dans l’effervescence des salons, façonnent leur siècle sans en revendiquer la gloire. Madame Geoffrin règne sur l’un des salons les plus prisés d’Europe et finance les Encyclopédistes. Madame Lepaute, astronome de grand talent vient de prédire le retour de la comète de Halley ! Une femme lumineuse bien que son nom soit trop souvent éclipsé par ceux de ses confrères masculins.
Rendons donc hommage, à quelques jours du 8 mars, à ces dames qui, par leur esprit, leur courage et leur génie, font bien plus que survivre à leur temps : elles le dominent.
Votre dévoué,
Sir-Etienne de Saint-Geoirs